«Les Arabes se sont entendus pour ne pas s’entendre.»
Ibn Khaldoun, extrait de El Mouqadima.
Comme au Liban, Israël intervient désormais pour faire taire les radios et les télévisions simultanément à ses interventions. L’immeuble de la télévision du mouvement Hamas, la chaîne Al Aqsa TV, a été bombardé violemment. Trois étages ont été détruits, il ne reste plus que le rez-de-chaussée, mais elle continue d’émettre, tout comme la radio. Il est clair et établi qu’à côté de la guerre disproportionnée que mène Israël contre le peuple palestinien, il y a d’autres enjeux qui se cachent derrière. Sur le plan diplomatique, l’Etat hébreu est en panne de stratégie, même s’il a réussi à affaiblir l’aile de la communication du Hamas, il a néanmoins perdu la bataille de la communication. Une bataille qui a été gagnée (encore une fois) par la grande network arabe, Al Jazeera, qui n’a pas hésité, malgré sa ligne éditoriale clairement pro-palestinienne, à inviter la principale organisatrice de cette campagne contre Ghaza, la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni (il faut le faire). Cette dernière doit avoir de très bons conseillers en communication, car sa cible n’était pas les Israéliens, mais bien les dirigeants arabes et surtout palestiniens, qui sont collés à l’écran d’Al Jazeera H24. Tzipi Livni, très bonne en diplomatie et surtout en communication, n’a pas hésité à faire passer tous les messages et les menaces qu’elle a voulu, faisant à l’avance sa campagne électorale avant les législatives de 2009. Al Jazeera, qui ne déroge pas à la règle de média pro-arabe, a diffusé l’interview en incrustant, en parallèle, des images des massacres de civils et des martyrs de Ghaza. Un exemple de déontologie et de professionnalisme qui est à méditer par les télévisions arabes et même occidentales.
D’ailleurs, même si elle est souvent critiquée, Al Jazeera reçoit régulièrement, et en direct, sur ses ondes, les principaux dirigeants et militaires israéliens au même titre que les Américains, dont certains sont plus passés sur la chaîne leader du monde arabe que sur des chaînes américaines. A côté de la guerre des militaires, il y a la guerre des mots sur Al Jazeera, sur les principales networks arabes et ce, entre les différents intervenants, tous corps confondus (politologues, conseillers, dirigeants ou encore présidents de mouvement).
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmad Aboul Gheit, inconnu il y a quelques mois de l’opinion arabe et internationale, est devenu la première figure anti-Hamas dans le conflit. Ainsi, après avoir défendu le président de l’OLP, qualifié d’impuissant par les journalistes, il a répondu au chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, qui a accusé Le Caire de complicité avec Israël et exhorté le gouvernement égyptien à ouvrir sa frontière avec l’enclave palestinienne. Les deux hommes ont échangé leurs amabilités via leurs télévisions respectives: Al Manar, la télévision du Hezbollah, l’unique média autorisé à filmer le vainqueur de Israël en 2006, et ESC, la chaîne d’Etat égyptienne qui diffuse la voix et l’image du gouvernement égyptien. Le tout repris par la chaîne qatarie qui achète les droits de retransmission à l’avance, restant branchée sur tout ce qui bouge dans le monde.
Amira SOLTANE